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La « Pro-A », nouveau visage de la « période de professionnalisation »?

La formation est un terrain privilégié de l’intérêt partagé entre l’entreprise et le collaborateur. Côté entreprise, développer des compétences métiers et transverses, entretenir chez les collaborateurs une dynamique d’apprentissage, la capacité de s’adapter à des environnements mouvants, est à la fois le moteur de la compétitivité et une simple condition de survie.

Côté collaborateur, une grande majorité a bien compris l’enjeu. Le texte initial de l’avant projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel pouvait susciter quelques inquiétudes de ce point de vue : il semblait renvoyer d’un côté le salarié à sa propre « liberté », de l’autre l’employeur à l’autofinancement total du plan de formation. Un amendement, numéro AS1481, adopté en commission le 29 mai dernier, vient recréer un dispositif intermédiaire.

A quoi servait la période de professionnalisation ?

Nombre d’entreprises se sont emparées de la –bientôt défunte– période de professionnalisation pour faciliter la promotion sociale, l’épanouissement personnel et le développement professionnel de collaborateurs, tout en développant des compétences répondant aux évolutions des métiers, à leurs orientations stratégiques.

Je pense à cette responsable formation qui s’est tant battue pour promouvoir le dispositif CLEA auprès des directions locales, et embarquer dans cette certification de nombreux collaborateurs qui n’avaient plus confiance dans leurs capacités d’apprentissage. Elle se reconnaîtra… A cette autre équipe qui suscite une réflexion partagée avec d’autres entreprises, au sein de la branche, pour repenser les référentiels de CQP, et professionnaliser au plus près de l’évolution des métiers. A cette grande entreprise qui a anticipé les évolutions technologiques en créant une licence professionnelle avec une Université…

La période de professionnalisation a été utilisée dans ces trois cas comme un outil de financement d’un projet d’intérêt commun. Certes, il est de la responsabilité de l’entreprise de « veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations »(Art L 6321-1 CT). Mais tous les responsables formation et développement des compétences vous le diront : l’accès à un financement, même tout à fait partiel, du projet est un levier puissant pour son acceptation par les directions.

Une responsabilité partagée

Dans son intervention à l’AFREF le 22 mars dernier, Stéphane Lardy, directeur adjoint du cabinet de la Ministre du Travail, déclarait que le projet visait à « remettre chacun dans le bon dispositif ». « L’utilisation du CPF, ou de la période de professionnalisation,pour «faire le plan», c’est fini, déclarait-il : « on remet chacun dans le bon dispositif ».

Mais où commence la responsabilité « autonome » du collaborateur, où s’arrête le devoir « d’anticipation » de l’employeur ? Il y a forcément une zone de recouvrement, qui donne une place pour le dialogue; la confrontation du projet collectif  de l’entreprise avec le projet individuel du salarié, pour l’incitation et l’accompagnement.

La « Pro-A » ne sera pas la période de professionnalisation

Dans l’exposé sommaire de présentation de l’amendement, Mme Catherine Fabre, la rapporteure, explique les finalités de ce nouveau dispositif. Il s’agit, « dans un contexte de fortes mutations économiques », de « créer un nouveau dispositif de reconversion ou de promotion à destination de certains salariés en contrat à durée indéterminée ». Il vise particulièrement les secteurs pour lesquels la professionnalisation se fait dans l’emploi, « faute de diplômes/titres adaptés dans l’offre de formation initiale », qui ont des professions réglementées, ou des difficultés à recruter. « En créant la reconversion ou la promotion par l’alternance », dit l’exposé sommaire, le projet de loi vise à répondre aux besoins spécifiques de ces secteurs d’activité et de ses salariés en créant un nouveau dispositif d’accès à l’alternance pour des salariés en contrat à durée indéterminée, dont les salariés en contrat unique d’insertion. Par voie réglementaire, il sera précisé que les salariés visés par ce nouveau dispositif seront ceux ayant une qualification inférieure ou égale au niveau III (soit le niveau de brevet de technicien supérieur) ».

Ce nouveau dispositif de professionnalisation en alternance sera donc :

« Promotion », « Reconversion », « qualifiant », voici des vocables auxquelles ne répondent ni la certification « socle de compétences » –CLEA, ni les certifications figurant dans ce qui s’appelle aujourd’hui « l’inventaire des certifications de compétences transversales »– et qui pourtant répond à de nombreux besoins de professions réglementées, ou de compétences transverses clés. Il faut donc attendre un peu pour voir à quels enjeux ce nouveau dispositif pourra véritablement répondre.

Pour prendre connaissance des mesures portées par la Réforme de la formation professionnelle en cours, et échanger sur ses impacts, nous vous invitons à nous rejoindre sur le stage Actualité du droit de la formation – spécial Réforme.