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Les voies de l’ « apprenance » de demain par P Carré

Lors de sa dernière intervention dans le cadre de l’Université Ouverte des Compétences du mois de Mars, Philippe Carré est revenu sur les concepts d’« auto formation » et d’ « individualisation »pour décrire les voies de l’apprenance de demain.

De l’apprenant acteur à l’apprenant auteur de sa formation

En démarrage de sa conférence, l’auteur d’ouvrages de référence sur l’apprenance (1) a souligné le véritable « renversement actuel de perspective ». N’oublions pas que la formation passe par le formé nous rappelle-t-il. Et notre langage courant trahit, de ce point de vue, une approche « démiurgique » aujourd’hui décalée consistant à vouloir « former les gens » au sens de « donner la forme »… De même, nous passons du salarié acteur au salarié auteur de sa formation ; la responsabilité des individus devenant d’ailleurs le seul repère pour définir un adulte aujourd’hui au-delà des caractéristiques autrefois admises (service militaire, mariage, emplois…).

Nous constatons à présent que le savoir du monde est à portée de main et admettons que les apprentissages informels représentent jusqu’à 80% de la formation.

Les modalités pédagogiques sont aujourd’hui encore très largement dominées par du présentiel (à hauteur de 90 à 95 %). Le stage est ainsi selon l’auteur un modèle pédagogique « dominant et essoufflé ».

Les autres modalités de formation quelque que soient les termes et la technologie utilisés (de la FAO à la FOAD, du E Learning au serious game jusqu’aux réseaux sociaux) nous rappellent que nous sommes à la recherche d’une troisième voie au-delà du « E Learning qui a nourri quelques désillusions ».

Prenons garde à une erreur pédagogique fondamentale

Mais Philippe Carré nous met en garde face à une erreur pédagogique fondamentale. Nous avons en effet tendance à oublier qu’ « un adulte ne se formera que s’il trouve dans la formation une réponse à ses problèmes dans sa situation » (2).
Il nous faut donc penser la formation à partir du « sujet social apprenant » et non à partir de l’organisation, du formateur et même de la pédagogie…

L’apprenance exprime ce changement de perspective avec un salarié en attitude d’ouverture permanente à l’apprentissage. Dans un précédent ouvrage (3), l’auteur définissait l’apprenance comme « un ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables à l’acte d’apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expériencielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite ».

Il est d’ailleurs intéressant de noter dans ce néologisme la particularité du suffixe « ance » qui renvoie à un « état en devenir » par rapport à un suffixe en « tion » faisant lui référence à un « état arrêté ». Cette clarification de linguiste montre le changement d’approche entre « former » et « se former ».

Le compte individuel de formation remet aujourd’hui en lumière la notion d’initiative demandée au salarié.

Auto formation et individualisation

Les notions d’auto formation et d’individualisation reprennent à ce titre toute leur actualité.

L’auto formation consiste à se former par soi-même mais pas nécessairement seul. L’individualisation et l’auto directivité sont également à distinguer de la non directivité, l’accompagnement des apprenants nécessitant parfois l’intervention du pédagogue pour « réassurance et guidance ».

Pour P Carré, l’acte d’apprentissage pourrait s’entendre en unités de compte intégrant  un travail amont de l’apprenant sur ses objectifs avec un choix des modalités offertes par objectifs.

Cette démarche permettrait de concilier offre collective et individualisation  en donnant l’occasion à l’apprenant de construire son propre parcours.

Reste aux entreprises de mettre en place un eco système comprenant formation, séminaire, formation ouverte, formation sur le tas, groupe auto géré, autoformation…

Les invariants pédagogiques

Pour conclure, l’apprenance de demain devra, selon P Carré, prendre en compte quelques invariants pédagogiques parmi lesquels :

 

(1) « L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir » P Carré, Ed Dunod, 2005

(2) Bertrand Schwartz – 1973

(3) «L’apprenance : rapport au savoir et société cognitive » – A noter : les vrais « parents » de ce néologisme sont comme le soulignait P Carré H. Bouchet et H Trocmé- Fabre.