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Réforme de la formation professionnelle : les nouvelles obligations de l’employeur

Mathilde BourdatManager Offre et Expertise Formation Cegos
  • « D’une obligation de payer à une obligation de faire »

  • De quelle obligation de faire s’agit-il ?

  • Une "garantie formation" pour le salarié ?

  • Les textes ne peuvent pas tout

L’ANI du 14 décembre 2013 et le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ont pour objet la réforme en profondeur du système national de formation professionnel continue. Création du Compte Personnel de Formation (CPF), refonte du financement, orientation des fonds vers la qualification et vers « ceux qui en ont le plus besoin » en sont les axes majeurs. Dans ce premier billet, je propose d’explorer l’évolution des obligations de l’employeur portée par les textes.

Ce billet a été mis à jour le 22/01/2014

« D’une obligation de payer à une obligation de faire »

C’est ainsi que l’Exposé des motifs  du projet de loi (p 6) résume l’évolution des obligations de l’employeur. En effet, l’un des aspects le plus radicaux  de la réforme est la suppression de la contribution « 0,9 » « Plan de formation ».

L’article 4 du projet de loi dispose ainsi que le financement de la formation professionnelle est assuré par :

  1. « Le financement direct par l’employeur d’actions de formation, notamment pour remplir ses obligations définies à l’article L. 6321-1, le cas échéant dans le cadre du plan de formation prévu à l’article L. 6312-1
  2. Le versement des contributions (...) ».

Les deux taux forfaitaires de contribution, dont on ne sait plus très bien si elle est fiscale, seront désormais de 0,55% pour les entreprises de moins de 10 salariés et 1% pour les plus de 10.

Une part consacrée au financement d’actions au plan de formation par l’OPCA est prévue sur la contribution des moins de 10 (0,4%), des 10 à 49 salariés (0,2%), des plus de 50 et moins de 300 (0,1%).

Conséquence pratique, pour une entreprise de plus de 300 salariés par exemple :

  • L’entreprise élabore son plan et engage des dépenses à ce sujet selon sa politique formation.
  • Les reversements OPCA  ne porteront plus, selon les conditions définies par celui-ci, que sur les contrats et les périodes de professionnalisation, les CPF ayant pour objet une formation qualifiante figurant sur la liste CPNE effectuée à ce titre. L’OPCA devient par ailleurs le financeur du congé individuel de formation.

Cependant, un accord de branche peut toujours décider un versement complémentaire au titre du plan – les accords préexistants en la matière n’étant d’ailleurs pas remis en cause.

De quelle obligation de faire s’agit-il ?

Reprenons la rédaction actuelle de la loi  (Art. L 6321-1 CT) :

« L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

(…) Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation  mentionné au 1° de l'article L. 6312-1 ».

Ce qui est en question c’est le partage de la responsabilité en matière d’adaptation et de développement des compétences entre l’employeur et le salarié.

Le texte ci-dessus fait bouger progressivement le curseur, d’une obligation d’adaptation portée par l’employeur à une possibilité « facultative » pour lui de « développement des compétences » (au sens de formations ayant pour objet  la progression professionnelle). Comme on l’a vu dans le billet "Vers l'obligation de former ?", la jurisprudence pousse plus loin le curseur de la responsabilité de l’employeur, qui doit concrétiser par des actions effectives sa « veille » au maintien de l’employabilité, quand bien même l’emploi occupé ne serait ni menacé ni en évolution.

Après un avant projet prévoyant de supprimer l'alinéa 2, le projet de loi présenté le 22 janvier 2014 maintient l'alinéa 2 - c'est l'alinéa 3, portant sur l'entretien au cours de l'année du 45ème anniversaire du salarié, qui est supprimé car remplacé par l'entretien professionnel.

D’autres dispositions  obligent l’employeur à articuler formation et réflexion sur le devenir des emplois dans l’entreprise :

  • Depuis la loi du 14 juin 2013, la négociation triennale sur la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences dans les entreprises de plus de 300 salariés intègrent les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle en entreprise et les objectifs du plan de formation. (Art. L 2242-15 CT).
  • Et la consultation du CE sur le plan de formation doit tenir compte de cette  négociation (L 233-33 et L 2323-35 CT).

Une "garantie formation" pour le salarié ?

La « garantie » proposée par l’ANI et par le projet de loi permettent de mieux délimiter les obligations de l’employeur. L’ANI comme le projet de loi instaurent un entretien professionnel obligatoire pour tous les salariés tous les deux ans.

Tous les six ans, lors de cet entretien, un bilan est fait du parcours professionnel du salarié dans l’entreprise qui permet de vérifier (texte du projet de loi, article 2 chapitre V) « que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et qu’il a :

  1. Suivi au moins une action de formation ;
  2. Bénéficié d’une progression, salariale ou professionnelle ;
  3. Acquis des éléments de certifications, par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

Ces dispositions sur l’entretien professionnel comporte une « garantie formation" pour le salarié.

« Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, lorsque au  cours de ces six années le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins deux des trois mesures mentionnées aux 1°, 2° et 3°, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L. 6323-12. (crédit de 100 heures du CPF , note de l'auteur).

Pour reprendre l’expression de JM Luttringer dans son analyse « ANI formation : nouvelles dynamiques et grandes fragilités juridiques », je dirai que cette garantie est bien fragile.

  • L’abondement automatique du CPF ne concerne que  les salariés des entreprises de plus de 50 salariés, contrairement aux visées de l’exposé des motifs qui porte particulièrement sur « les salariés des très petites, petites et moyennes entreprises »
  • Elle ne qualifie pas  l’action de formation qui serait prise en compte pour "faire tomber" l’abondement automatique du CPF.

Lorsque l’on sait qu’une très large part du plan de formation de nombreuses entreprises est consacré à des formations obligatoires, récurrentes, qui n’enrichissent pas le portefeuille compétences des salariés et ne les accompagnent pas dans l’évolution de leur emploi, on se dit que cette « garantie » ne contribuera pas nécessairement au développement professionnel, ou même au maintien de l’employabilité.

  • Une « progression salariale ou professionnelle » peut être prise en compte. Mais de quelle progression s’agit il ? Une augmentation générale, par exemple, ou une augmentation légale du SMIC, seront-elles considérées ?
    Et en quoi une augmentation, même individuelle, est elle un indice de sécurisation professionnelle ?

Garantie bien fragile, oui , vraiment…

Les textes ne peuvent pas tout

L’exposé des motifs du projet de loi précise (p. 8) qu’il s’agit de « faire de la formation professionnelle et des compétences un élément central du dialogue entre salariés et employeurs au sein des branches professionnelles et au sein des entreprises ».

On aurait donc :

  • Des négociations collectives, au niveau de la branche et/ ou de l’entreprise, permettant d’articuler formation et anticipations sur l’emploi.
  • Un accès facilité à la formation professionnelle qualifiante pour le salarié, via la mobilisation du CPF, la consolidation du CIF et le conseil en évolution professionnelle.
  • Un dialogue salarié – employeur lors de l’entretien professionnel

C’est le dialogue social, au sein de la branche et de l’entreprise, qui pourra créer le cadre collectif de nature à équilibrer justement la balance responsabilité employeur – responsabilité salarié en matière de maintien et de développement des compétences. Sachant que ce curseur ne peut être positionné de la même manière pour toutes les catégories de salariés, certains étant beaucoup mieux outillés que d’autres pour être véritablement « acteurs de leur projet professionnel ».

Or le dialogue social n’est pas de même qualité dans toutes les branches, dans toutes les entreprises. Et la négociation triennale sur la GPEC n’est pas obligatoire dans les entreprises de moins de 300 salariés.

Au final, les textes ne peuvent pas tout, et la bonne utilisation du levier « formation » reposera sur l’intelligence et la compétence des parties prenantes : culture de la « formation investissement » et acceptation d’un véritable dialogue social. Intégration du dialogue sur  les compétences, la qualification et la formation dans la pratique managériale. Et éducation des salariés, futurs et actuels, à l’orientation et à la capitalisation des compétences.

Pour aller plus loin :

Formation : Construire et mettre en oeuvre le plan de formation

Formation : Les fondamentaux du droit de la formation

Ecrit par

Mathilde Bourdat

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