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CPA des fonctionnaires : comment l’intégrer à la politique formation ?

Mathilde BourdatManager Offre et Expertise Formation Cegos

    Pour ce billet, j’ai interviewé Simon Vienne et Valérie Beaurain Duru, qui interviennent tous deux sur le thème de la formation dans les fonctions publiques. Valérie Beaurain-Duru est Chef de projets formation-accompagnement à la Direction Organisation Métiers Compétences du Conseil Régional du Centre-Val de Loire. Simon Vienne est DRH en collectivité.

    Mathilde Bourdat (MB) : Quelle différence entre le privé et le public pour le Compte Personnel d'Activité ?

    Simon Vienne : « Comme pour les salariés du privé, le CPA comprend le CPF et le CEC. En revanche, le compte personnel de prévention (C2P) n’est pas transposé dans la fonction publique. »

    MB : Si j’ai bien compris, une différence importante entre le CPF des salariés du privé et celui des agents publics tient aux actions éligibles. Les salariés du privé n’ont accès qu’à des formations certifiantes à condition qu’elles soient inscrites sur des listes. Cette condition n’est pas requise pour les agents du service public.
    Valérie, vous confirmez ?

    Valérie Beaurain-Duru : « Absolument. L’esprit du législateur est d’envisager une offre élargie de formation sans qu’elle soit obligatoirement certifiante ou qualifiante. L’objectif est de répondre au projet professionnel de l’agent. Les actions de formation peuvent également s’intégrer à un itinéraire individualisé »

    MB : De combien d’heures le compteur CPF des agents publics sera-t-il crédité ?

    Simon Vienne : « Le CPF permettra aux agents du public d’accumuler jusqu’à 150 heures de formation : 24 heures par an pour un temps plein les cinq premières années, puis 12 heures par an les années suivantes. Les agents de catégorie C non diplômés engrangeront, eux, 48 heures par an, dans la limite de 400 heures.

    Un agent peut bénéficier d’un abondement d’heures supplémentaires, dans la limite de 150 heures, lorsque son projet d’évolution professionnelle vise à prévenir une situation d’inaptitude physique aux fonctions exercées au regard de son état de santé.

    Les heures de CPF acquises en 2017 seront créditées au cours du 1er semestre 2018. Le reliquat d’heures de DIF sera transféré sur leur nouveau compte CPF.

    Les fonctionnaires et agents contractuels conserveront les droits acquis sur le CPA y compris en cas de mobilité au sein de la fonction publique ou de départ vers le privé ».

    Valérie Beaurain-Duru : « Le principe d’universalité et de portabilité du compte est fondamental pour l’agent. Il le suivra tout au long de sa carrière. Ce qui le rend bien plus attractif que le DIF ne l’était. »

    MB : Et le Compte d’Engagement Citoyen ?

    Valérie Beaurain-Duru : « Le CEC institué par le décret n°2016-1970 du 28/12/2016 reconnait 7 types d’activités d’Engagement Citoyen : service civique, réserve militaire opérationnelle, réserve militaire citoyenne, réserve communale de sécurité civile, réserve sanitaire, maître d’apprentissage, bénévolat associatif.

    Ces activités permettent d’acquérir des droits supplémentaires à la formation : 20 heures par an et par activité jusqu’à un plafond de 60 heures). Pour en savoir plus sur les modalités pratiques, il faut consulter le site moncompteactivité.gouv.fr.

    Il est à noter que ce dispositif est identique pour les salariés du secteur privé et les agents publics. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2017. »

    MB : Le CPA constitue t-il une avancée pour le secteur public ?

    Simon Vienne : « Il est sans doute prématuré de le dire. Le DIF offre cependant une expérience riche d’informations. En pratique, le DIF a été très peu mobilisé au sein de la fonction publique, à l’instar du secteur privé. Peu connu des agents, il était limité aux actions de formation courtes, que l'employeur était en capacité de financer. Il faut rappeler qu’il n’y a pas d’OPCA dans le secteur public. Les organismes existants (CNFPT, ANFH, ministères...) collectent une cotisation, financent et organisent directement les formations.

    A titre d’exemple, seuls 3,7% des agents territoriaux l'utilisaient avec des disparités importantes selon les administrations. (Source : La formation professionnelle des agents de la fonction publique territoriale, Bilan et perspectives.)

    Pour le côté positif, le CPA permet d’attacher les droits.  à la personne et non plus au statut du salarié ou de l’agent public. Cependant en pratique, des zones d’ombres importantes subsistent dans les textes : comment et par qui se fera l’alimentation et l’utilisation des heures créditées dans le CPA ? Quand la plateforme gouvernementale sera-t-elle ouverte au secteur public ? Comment et par qui seront financées les actions de formation réalisées au titre du CPF ? »

    MB : Valérie, avons-nous de premiers éléments de réponses à ces questions ?

    Valérie Beaurain-Duru : « Le guide pratique paru début décembre 2017 portant sur la mise en œuvre du CPF (versant « Etat ») et le Guide pour le déploiement du SI paru début janvier 2018 apportent quelques éclairages.

    La reprise des droits DIF au 31.12.2016 pour les agents titulaires se fera via le fichier RAFP sans intervention des employeurs dans le courant du 1er trimestre 2018. Pour les non-titulaires, il se fera soit par envoi de fichiers à la Caisse des Dépôts et Consignations, soit par saisie directe de l’employeur.

    La reprise des droits CPF au 31.12.2017 pour les titulaires se fera via le fichier N4DS sans intervention des employeurs dans le courant du 1er semestre 2018. Pour les non-titulaires, il se fera soit par envoi de fichiers à la CDC soit par saisie directe de l’employeur. »

    MB : Les employeurs publics vous semblent-ils prêts à intégrer le CPA?

    Simon Vienne : « Il est à souligner un défaut d’information important vis-à-vis des employeurs publics, faisant craindre que cette réforme ne subisse le même sort que le DIF : un dispositif très peu usité et très peu compris des agents publics. »

    MB : Valérie, qu’observez-vous de votre côté ?

    Valérie Beaurain-Duru : « J’observe qu’il faut absolument aller chercher les informations auprès de la DGAFP et sur le site service-public. Ces informations sont distillées au fil de l’eau. Les employeurs publics n’ont aucune information directement, particulièrement sur les modalités pratiques, sur la gestion par les SIRH.

    Il faut également rappeler que ce nouveau dispositif lourd et complexe s’opérera à moyens financiers et humains constants pour les services formation ».

    MB : La mise en œuvre du CPA dans la fonction publique promet donc d’être complexe ?

    Simon Vienne : « Effectivement, les employeurs publics doivent communiquer massivement auprès de leurs agents pour les informer de leurs nouveaux droits, du devenir de leurs heures acquises au titre du DIF.

    Surtout ils auront à gérer les nouveaux crédits ouverts au titre du CPA. Ce qui risque d’être extrêmement complexe. Le CPF, à lui seul, implique une gestion informatisée sur 6 ans avec des calculs loin d’être évidents (majoration des heures, anticipation, proratisation…) et des éditeurs de SIRH qui auront, à n’en pas douter, besoin d’un temps important pour développer des solutions informatiques adaptées.

    Les services RH auront donc en premier lieu la nécessité de maîtriser cette réforme en se formant pour pouvoir répondre aux agents mais également pour se saisir des enjeux du CPA et conseiller les décisionnaires. »

    MB : Valérie, quels seront pour vous les éléments déterminants d’une intégration réussie du CPA dans la fonction publique?

    Valérie Beaurain-Duru : « On peut imaginer quelques conditions indispensables pour espérer une mobilisation effective de ce nouveau dispositif :

    • Une appropriation complète du CPA par les services RH (et pas seulement par les services formation), une action de formation pour chacun est indispensable !
    • Une politique RH-formation claire et lisible (priorités, financements…),
    • Organiser un travail en transversalité RH pour accompagner les agents en difficulté (bas niveau de qualification, prévention de l’inaptitude…),
    • Une réelle opérationnalité, adaptée aux agents publics, du portail moncompteactivite.gouv.fr,
    • Des éditeurs de logiciel formation en capacité de gérer les différents compteurs,
    • Une édition rapide des guides pratiques versant Fonctions Publiques Territoriale et Hospitalière,
    • Enfin, je terminerai par des moyens financiers et humains supplémentaires pour les services formation-accompagnement-mobilités-compétences… »

    MB : Le décret du 10 mai 2017 ne fournit-il pas des indications sur le financement du CPA dans la fonction publique ?

    Simon Vienne : « Le décret prévoit que l’employeur public prend en charge les frais pédagogiques se rattachant à la formation suivie au titre du CPF. Mais concrètement, le financement reste nébuleux.
    A cet égard, le projet de loi de finances pour 2018 ne fournit pas d’éléments supplémentaires. Pour les collectivités locales, la ministre de la Fonction publique Annick Girardin avait évoqué un financement via la cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)… Mais à quelle hauteur ? Le rétablissement de la cotisation versée par les collectivités locales au CNFPT à 1% de la masse salariale pourrait être une piste…le financement directement par les collectivités en est une autre…

    En tout état de cause, si, comme pour le DIF, le financement reste directement à la charge de l’employeur public, il est fort à parier que le CPF ne sera utilisé qu’à la marge, faute de moyens financiers suffisants. Le CPF n’est au final qu’une modalité de départ en formation mais il n’augmente pas les moyens des employeurs et le contexte financier du secteur public contraint à toujours davantage de baisse des dépenses de fonctionnement. La mutualisation semble être la seule voie possible pour développer l’effort de formation dans le secteur public. »

    MB : Si je comprends bien, il appartient à chaque employeur public d’intégrer le CPF à sa politique globale de formation. Et cela implique également de mettre en œuvre l’accompagnement personnalisé, auquel tout fonctionnaire a droit pour l’aider à élaborer et mettre en œuvre son projet professionnel. Avez-vous connaissance de bonnes pratiques à cet égard ?

    Valérie Beaurain-Duru : « J’observe que les employeurs publics (dans les 3 versants de la fonction publique) mesurent la nécessaire professionnalisation des agents exerçant le métier de « conseil en évolution professionnelle ».
    De nombreuses formations en intra se sont déroulées en 2017 et se poursuivront tout au long de l’année 2018 afin de développer et consolider les compétences de ces professionnels de l’accompagnement, leur permettant ainsi d’acquérir un socle commun de compétences et valeurs, de renforcer les dynamiques d’équipes et de partager des outils adaptés à l’accompagnement des projets professionnels. »

    Un grand merci, Valérie et Simon.

    Ecrit par

    Mathilde Bourdat

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