Professionnalisation : quels engagements réciproques ?

Par le 29 février 2016

Comme on l’a vu dans le billet précédent, la professionnalisation est affaire de responsabilité partagée et de transactions. D’où l’importance, lorsque l’entreprise s’engage dans une démarche de professionnalisation, d’expliciter les intentions,  les engagements réciproques et les termes de l’échange.

Côté entreprise

  • Clarifier l’intention

S’agit-il de « mettre en mouvement » une catégorie de salariés dont on sait que l’emploi est menacé, ou va profondément évoluer, dans les années à venir ?
De faciliter les mobilités, les reconversions ?
Ou bien de renforcer l’attractivité de l’entreprise, sa « marque « employeur », en donnant des perspectives d’évolution au sein des filières métiers ?
Selon la réponse, l’outillage, le dispositif de communication, d’aide à l’orientation des salariés concernés, seront différents.

  • Clarifier les termes de l’échange

Comme l’indiquent Romain et Alexandre dans leurs commentaires sur le billet précédent, la professionnalisation est essentiellement une affaire de reconnaissance. Rémunération, classification, opportunités d’évolutions professionnelles, de mobilités, reconnaissances non pécuniaires…  : comment l’offre de professionnalisation vient-elle s’ancrer dans la politique ressources humaines de l’entreprise ?
Le risque me semble exister aujourd’hui d’inciter les salariés à s’engager dans des dispositifs certifiants, financés par la période de professionnalisation par exemple, dans l’intention essentielle de récupérer du financement sur fonds mutualisés. « Gagnant-gagnant » ? Pas sûr, si les termes de l’échange s’arrêtent à l’obtention d’un certificat, sans autre conséquence.  « Le principal est un salarié reconnu » écrit Alexandre. Certification sans reconnaissance perd beaucoup de sa valeur …

  • Former en situation de travail

On l’a vu précédemment, professionnaliser implique « l’action au travail, l’analyse de la pratique professionnelle, l’expérimentation de nouvelles façons de travailler » (Wittorski). Professionnaliser, ce ne peut pas être déléguer entièrement à un organisme de formation le soin de former et de préparer à la certification.
Côté entreprise, cela veut dire prévoir des situations de travail formatrices (mission, projet à conduire …) et l’accompagnement qui facilitera la réflexivité sur les pratiques (tutorat, « peer coaching »…)..

Côté organisme de formation

La loi de 2014 a ouvert la voie à un grand marché de la certification. Mais comme l’indique Guy Le Boterf (voir P. 15), « le diplôme n’est pas une compétence en soi ». A trop « coller » au référentiel de la certification préparée, à découper les contenus « par discipline »,  l’organisme de formation risque de passer à côté de la professionnalisation, en se référant à des connaissances et des pratiques décontextualisées et difficiles à réinvestir en situation réelle.
Par les méthodes pédagogiques proposées, les situations d’évaluation, la posture de ses formateurs et le rôle effectif réservé aux apprenants, il s’agit donc pour l’OF de mettre en oeuvre une véritable « pédagogie de l’alternance » appuyée sur les situations de travail réelles.
Etre en veille permanente sur les métiers, les organisations du travail, et leurs évolutions, voilà un critère qui aurait pu figurer au décret qualité

Côté apprenant

Enfin, rappelons que « on ne peut pas professionnaliser les gens » (G. Le Boterf, intervention pré-citée). Au final, tout dépendra de l’engagement de chacun dans le dispositif proposé. Gageons que celui-ci sera facilité par des intentions explicitées, des termes de l’échange connus, une offre de formation valable, une certification reconnue. Mais rappelons-nous que l’apprenant « en profondeur » est surtout porté par des motifs intrinsèques d’engagement  et par son propre désir de comprendre, faire des liens, interagir activement avec le contenu. Voir à ce sujet un précédent billet sur la motivation à se former  et la présentation de Rich James. Pour certaines personnes réputées peu enclines à se former, une attention toute particulière devra donc être portée, côté entreprise et côté organisme de formation, à tout ce qui peut aider à donner du sens, mettre en action, trouver confiance en soi …

Et les branches professionnelles ?

La loi de 2014, en changeant les conditions d’accès à la période de professionnalisation et en réservant le CPF à des formations certifiantes inscrites sur des listes, a donné un rôle important aux branches professionnelles. Les observatoires des métiers de branche ont un rôle clé pour doter les entreprises d’outils leur permettant de repérer les évolutions des métiers, identifier des filières et des parcours possibles, repérer les certifications pertinentes. Certains font un travail remarquable, par exemple l’observatoire des métiers de la mode, du textile et du cuir, ou encore le LEEM pour l’industrie pharmaceutique, qui propose aux visiteurs médicaux un outil d’analyse des compétences qu’ils peuvent transférer vers d’autres métiers, et des parcours correspondant.
Le travail réalisé par les observatoires est ainsi une véritable ressource pour les entreprises et pour les salariés eux-mêmes, dans leurs projets de professionnalisation.

Le danger est important aujourd’hui de confondre « professionnalisation » et « certification ».  Professionnaliser, c’est avant tout former à partir de l’analyse du travail réel.Il appartient à tous les acteurs du « système formation » d’y travailler ensemble.

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