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Pourquoi innover en formation ? Une interview d’Olivier Bernaert, chef de projet «Elan pédagogique » à l’IFP School

Par le 20 avril 2015

Le 26 mars dernier j’ai profité de la présentation lors du salon du e-learning de l’atelier « MOOC et Serious Game: une pédagogie innovante » pour interviewer Olivier Bernaert et initier ainsi une série de billets et vidéos sur l’innovation pédagogique et le digital.

Accompagnement des formateurs et expérimentation des outils pour définir des usages en formation me semblent être les facteurs clés de succès de l’approche pédagogique de l’IFPSchool que je partage avec vous, en vidéo, et en mots ! A vous de choisir le média qui vous convient.

Anne Ambrosini : Pourquoi avoir initié le projet Elan pédagogique ? Pourquoi faut-il innover en formation ?

Olivier Bernaert : Je voudrais d’abord commencer par présenter le contexte particulier de notre école.  IFP School est une école d’application qui spécialise de jeunes ingénieurs sur les enjeux énergétiques majeurs au travers de formations visant à accompagner la transition énergétique.  Une spécificité de notre école est que 80% des étudiants sont sponsorisés par les industries de l’énergie et des transports.

C’est une école très internationale : 50 % de nos étudiants viennent du monde entier et il y a plus de 50 nationalités représentées dans l’école.  C’est dans ce contexte spécifique d’école d’application internationale qu’a été lancé en 2011, par la direction de l’école, le projet « Élan Pédagogique ».

Ce projet a pour but de mettre l’étudiant au cœur d’une pédagogie de la mise en pratique. Ce projet s’inscrit dans une réflexion globale d’IFP School sur l’évolution de ses méthodes pédagogiques et l’intégration du numérique dans la formation.

Il est constitué de plusieurs axes :

  • développement de l’ingénierie pédagogique,
  • personnalisation des parcours de formation de nos étudiants
  • utilisation des outils issus des TICE dans nos parcours,
  • animation d’une communauté pédagogique.

De par notre proximité avec le monde industriel, il est important de développer une pédagogie innovante centrée sur le développement de compétences, de réels savoir-faire et savoir-être.

S’il fallait résumer la ligne directrice de ce projet ce serait de mettre en avant l’acte d’apprendre et non plus l’acte d’enseigner.  Dans ce cadre, l’innovation pédagogique est primordiale pour développer les compétences recherchées par nos entreprises partenaires.

AA : Quelle est la place des technologies dans les nouveaux modes d’apprentissage d’IFP School ?

OB : Avant de mettre en avant les technologies, je voudrais rappeler que la technologie ne fait pas tout !  Ces outils, même modernes, ne remplacent pas la  pédagogie à mettre en place dans un cours ou la qualité et l’expérience d’un enseignant.  Ces outils ne doivent pas simplement être utilisés comme des gadgets pour « rajeunir » nos cours.  Ils doivent vraiment faire partie du dispositif pédagogique mis en place, et s’intégrer dans le cours.

Depuis plusieurs années, nous avons introduit des nouveaux outils dans les salles de cours, pour renforcer l’acquisition et la mise en pratique des compétences.  Citons par exemple, la conception par plusieurs enseignants de modules e-learning.  Ils sont entièrement développés en interne et mis en œuvre dans des dispositifs de « classes inversées ».

Citons également l’utilisation de boitiers de vote dans des processus de «ludification» de nos cours, ou encore la mise en place de wikis dans des exercices de travaux collaboratifs.

Ces outils viennent en complément d’autres dispositifs existant comme, par exemple, la mise en œuvre de projets, travaux dirigés, études de cas issues de l’industrie, stages de terrain… autant de modalités pédagogiques en vigueur depuis longtemps à IFP School.

Les technologies, que l’on classe sous l’appellation TICE, permettent surtout d’ouvrir le champ des possibles pour les enseignants.  L’étape ultime est de donner ces outils aux étudiants pour qu’ils les utilisent eux-mêmes dans le cadre de projet ou d’application pratique.

Ainsi, certains rendus de projet sont effectués en  visio-conférence, de façon à mettre nos étudiants dans des situations proches de leur environnement professionnel futur.  Dans cet exemple, nos étudiants mettent en œuvre leurs savoirs théoriques dans la préparation d’une étude technique (savoir-faire) en adaptant une posture de communication proche de leur futur cadre professionnel (savoir-être).

Un autre projet est le « Professional Skill Module » (PSM).  Dans ce projet, les étudiants produisent des synthèses et des travaux en utilisant eux-mêmes les outils digitaux issus des TICE.  Ces méthodes permettent de les impliquer d’avantage en leur demandant de produire des ressources qui sont ensuite utilisables au niveau de l’ensemble de l’école. Voici un exemple de vidéo, sur la problématique du captage et stockage du CO2, produite par nos étudiants à la fin du projet PSM :

AA : Peux-tu nous parler de l’expérience vécue suite à la réalisation de votre 1er MOOC ?

OB : Le 1er MOOC IFP School était sur le sujet de la mobilité durable.  Il a réuni plus de 3100 inscrits.

L’enjeu pour l’École était de mettre en œuvre, dans un contexte d’apprentissage massif, son approche spécifique de développement de savoir-faire et de compétences.  L’objectif était également d’attirer des étudiants du monde entier intéressés par les énergies et la mobilité.  Nous avons intégré, pour la première fois dans un MOOC, un Serious Game permettant de tester et valider les acquis au fur et à mesure de la formation, de manière ludique et immersive, dans des situations proches de la réalité.  Et les résultats le confirment : le Serious Game a réellement renforcé l’engagement des participants dans leurs apprentissages.

Le retour des participants sur le Serious Game  est très positif: 53 % des participants affirment que le Serious Game leur a réellement permis une meilleure compréhension et 43% déclarent que le Serious Game a amélioré leur intérêt pour les cours.  Soit au total 96% des participants y ont trouvé un intérêt.  En complément, la présentation suivante présente un feedback de ce premier MOOC:

Pour terminer sur ce sujet, ce qui est intéressant de noter, c’est la dualité d’utilisation du dispositif : à distance dans un environnement massif et en présence avec les étudiants inscrits à l’école.  En effet, dès le début, les séquences du MOOC et les activités du Serious Game ont été conçues de façon à pouvoir être mise en œuvre à la fois dans l’environnement des MOOC, mais également dans nos cours en présentiels.

AA : Comment les enseignants ont-ils réagi ? Qu’avez-vous fait pour les préparer à ces changements et les accompagner ?

OB : Il n’y a pas de secret, ce n’est pas toujours facile d’introduire de nouveaux dispositifs, il faut prendre le temps d’accompagner les enseignants.  Dans ce sens, nous avons développé spécifiquement et mis en place deux modules de formation.

Le premier module est consacré  spécifiquement aux méthodes pédagogie adaptées à une école d’application, destinée plus particulièrement aux enseignants qui arrivent à l’école.

Le second module est destiné à l’ensemble des enseignants et consiste à mettre en pratique sur leurs cours les outils disponibles à l’école.

En complément, nous avons mis beaucoup d’autres dispositifs à la disposition des enseignants : des documents de synthèse, des cafés pédagogiques à thème, des ateliers de cuisine qui  décrivent le fonctionnement d’un outil TICE,…

AA : Comment accompagnez-vous les étudiants dans cette nouvelle façon d’apprendre ?

OB : Nos étudiants sont clairement de la génération Y, ils utilisent donc ces outils technologiques assez naturellement. Notre objectif est de leur montrer l’intérêt de ces outils dans des cadres professionnels, de travaux collaboratifs par exemple.  Assez simplement, ces nouveaux outils nous permettent d’instaurer un climat très interactif de travail.  Finalement, leurs usages, dans des classes inversées par exemple, permettent de développer des relations beaucoup plus professionnelles et efficaces entre enseignants et étudiants.  Cela permet de quitter la posture traditionnelle dans une école de type professeur/étudiant pour se tourner vers des échanges de type professionnel/jeune ingénieur ;  et finalement de développer les compétences de nos étudiants en y intégrant le développement de leur savoir-être.

AA : Quels sont les prochaines évolutions pédagogiques ? Comment faites-vous pour rester en veille sur les outils et les usages en formation ?

OB : Nous continuons à rechercher des dispositifs qui permettent le développement de réelles compétences opérationnelles et de réels savoir-faire.  Nous terminons actuellement notre second MOOC qui traite de la chaine Oil & Gas.  Il comportera deux innovations majeures, d’abord la suppression des quiz d’évaluation et leur remplacement par des mini-jeux immersifs et ensuite la mise en place pour la première fois dans un MOOC de vidéos interactives.

Ensuite, dans la deuxième partie de cette année, notre prochain grand projet est le développement de certains cours sous forme de « Mobile Learning », pour permettre de donner ces cours directement sur le terrain, comme par exemple des cours de géologie.  Nous pensons que ces dispositifs sont particulièrement adaptés à certain de nos stages terrains.  Un beau projet avec beaucoup de challenges en perspectives à la fois pédagogiques et techniques.

Nous conduisons régulièrement des études sur les sujets innovants dans le domaine pédagogique de façon à d’abord observer ce qui se fait et ensuite se positionner par rapport à ces nouveaux dispositifs (learning lab, transmedia, réalité augmentée, mobile learning,…).

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Speciman Il y a 9 années

Cet article est vraiment très intéressant sur cette approche des MOOCs et d’un e-learning en évolution. Il me semble néanmoins important, pour rebondir sur la question posée dans le titre même de ce billet, que l’innovation en formation ne se limite pas aux MOOCs ni à l’apport des nouvelles technologies.
Il apparait encore que de nombreux salariés sont rétifs aux MOOCs, tous n’ont pas l’agilité de la génération Y. Et l’employabilité ne dépend pas nécessairement de la position du collaborateur face à la « fracture digitale ».
Un gros effort de communication et de formation « positive » doivent encore être développées par les organismes de formation pour développer des outils adaptés à chaque environnement, chaque entreprise et chaque interlocuteur : les MOOCs n’y répondent pas forcément. L’évolution de la formation est un registre plus large, me semble-t-il…

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    Olivier Bernaert Il y a 9 années

    Bonjour et merci beaucoup pour votre réflexion @Speciman. J’y souscris pour beaucoup, je pense vraiment que la technologie ne fait pas tout ! Ces outils (MOOC, e-learning, boitiers de votes…), même modernes, ne remplaceront jamais la qualité et l’innovation dans les mécanismes pédagogiques mis en oeuvre dans un cours. Ces outils ne doivent pas simplement être utilisés comme des gadgets pour « rajeunir » les formations. Ils doivent vraiment faire partie du dispositif pédagogique mis en place, et s’intégrer dans le cours. Plus ils seront intégrés, plus ils seront acceptés et utilisés par les apprenants. Comme vous, je pense également que ces TICE sont probablement un peu plus facile à mettre en oeuvre avec les étudiants (dits de la Génération Y) d’une école.

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Mulet Il y a 9 années

Très clair et au cœur des préoccupations des départements de formation. Le plus dur est d’impliquer la direction (il y a un coût) , avec un changement d’état d’esprit et prenant en compte que tous les apprenants n’ont pas tous la même agilité face à de nouveaux outils. Un vrai dilemme .dans les entreprises.

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    Mathilde

    Mathilde Il y a 9 années

    @Mulet Très heureuse de vous retrouver sur le blog, merci de votre fidélité et de votre commentaire ! Oui, il y a un coût et des réticences. Mais ne devons nous pas aux salarié de leur éviter de se trouver du mauvais côté de la « fracture digitale » ? Est ce que cela ne fait pas partie de l’anticipation des évolutions de l’emploi, du maintien de « l’employabilité » ? Et puis, les étudiants d’Olivier sont nos salariés, ou stagiaires, de demain …

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    Olivier Bernaert Il y a 9 années

    Merci beaucoup @Mulet pour votre commentaire et votre intérêt pour ce billet.
    Comme le sous entend peut être Mathilde, c’est probablement un peu plus facile avec des étudiants (dits de la Génération Y) qu’avec des apprenants issus d’horizons diverses du monde de l’entreprise…et plus facile également dans une école que dans une entreprise… Qu’en pensez-vous ? Mais comme le dit très bien Mathilde, je pense sincèrement que tout cela va évoluer (plus vite que l’on ne pense) car effectivement mes étudiants d’aujourd’hui seront vos employés de demain…

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PEZZI Cecile Il y a 9 années

Bonjour et merci pour cet article qui confirme que l’expérimentaion et l’accompagnement sont clés.
Il faut accepter d’essayer, de se heurter aux difficultés techniques et au rejet parfois des utilisateurs (stagiaires et formateurs) pour apprivoiser ses nouvelles technologies. Je trouve très malin de créer du « distanciel » et de l’utiliser « en salle » pour l’engagement qu’il génère. Quant à l’accompagnement des enseignants, effectivement il est clé. Pourriez-vous en dire en plus sur ces ateliers de cuisine qui décrivent le fonctionnement d’un outil TICE ?

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    Olivier Bernaert Il y a 9 années

    Bonjour Cécile, merci beaucoup pour votre commentaire et votre intérêt pour ce billet.
    Pour répondre à votre question sur les « ateliers de cuisine TICE ». Nous organisons tous les 2 mois environs une à deux séances pour un nombre limité de participants (6 maxi). Durant cette séance nous apprenons aux participants à manipuler un outil TICE. Les derniers ateliers traités, par exemple, d’un logiciel de création de quiz, d’un logiciel de création de e-book, ou de l’utilisation de power point, ou de google drive. L’idée est de prendre le temps d’expliquer des notions simples sur ces outils pour donner envie et « dédramatiser » leur utilisation. A la fin de la séance de cuisine, des fiches pratiques sont distribuées aux participants. La limitation du nombre de participants à ces ateliers permet réellement d’amorcer une discussion et de donner le temps à chacun de prendre l’outil (ou une de ces facettes) pleinement en main. Voilà le secret des ateliers de cuisine TICE qui durent environ une heure par atelier 🙂 En espérant avoir répondu à votre question. Olivier

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Paolini Christine Il y a 9 années

Merci Anne Merci Olivier !
Cette interview est vraiment passionnante !
Bravo ! C’est d’une clarté exceptionnelle ! superbe !

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    Olivier Bernaert Il y a 9 années

    Merci beaucoup christine pour votre commentaire.

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