Les voies de l’ « apprenance » de demain par P Carré

Par le 23 avril 2013

Lors de sa dernière intervention dans le cadre de l’Université Ouverte des Compétences du mois de Mars, Philippe Carré est revenu sur les concepts d’« auto formation » et d’ « individualisation »pour décrire les voies de l’apprenance de demain.

De l’apprenant acteur à l’apprenant auteur de sa formation

En démarrage de sa conférence, l’auteur d’ouvrages de référence sur l’apprenance (1) a souligné le véritable « renversement actuel de perspective ». N’oublions pas que la formation passe par le formé nous rappelle-t-il. Et notre langage courant trahit, de ce point de vue, une approche « démiurgique » aujourd’hui décalée consistant à vouloir « former les gens » au sens de « donner la forme »… De même, nous passons du salarié acteur au salarié auteur de sa formation ; la responsabilité des individus devenant d’ailleurs le seul repère pour définir un adulte aujourd’hui au-delà des caractéristiques autrefois admises (service militaire, mariage, emplois…).

Nous constatons à présent que le savoir du monde est à portée de main et admettons que les apprentissages informels représentent jusqu’à 80% de la formation.

Les modalités pédagogiques sont aujourd’hui encore très largement dominées par du présentiel (à hauteur de 90 à 95 %). Le stage est ainsi selon l’auteur un modèle pédagogique « dominant et essoufflé ».

Les autres modalités de formation quelque que soient les termes et la technologie utilisés (de la FAO à la FOAD, du E Learning au serious game jusqu’aux réseaux sociaux) nous rappellent que nous sommes à la recherche d’une troisième voie au-delà du « E Learning qui a nourri quelques désillusions ».

Prenons garde à une erreur pédagogique fondamentale

Mais Philippe Carré nous met en garde face à une erreur pédagogique fondamentale. Nous avons en effet tendance à oublier qu’ « un adulte ne se formera que s’il trouve dans la formation une réponse à ses problèmes dans sa situation » (2).
Il nous faut donc penser la formation à partir du « sujet social apprenant » et non à partir de l’organisation, du formateur et même de la pédagogie…

L’apprenance exprime ce changement de perspective avec un salarié en attitude d’ouverture permanente à l’apprentissage. Dans un précédent ouvrage (3), l’auteur définissait l’apprenance comme « un ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables à l’acte d’apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expériencielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite ».

Il est d’ailleurs intéressant de noter dans ce néologisme la particularité du suffixe « ance » qui renvoie à un « état en devenir » par rapport à un suffixe en « tion » faisant lui référence à un « état arrêté ». Cette clarification de linguiste montre le changement d’approche entre « former » et « se former ».

Le compte individuel de formation remet aujourd’hui en lumière la notion d’initiative demandée au salarié.

Auto formation et individualisation

Les notions d’auto formation et d’individualisation reprennent à ce titre toute leur actualité.

L’auto formation consiste à se former par soi-même mais pas nécessairement seul. L’individualisation et l’auto directivité sont également à distinguer de la non directivité, l’accompagnement des apprenants nécessitant parfois l’intervention du pédagogue pour « réassurance et guidance ».

Pour P Carré, l’acte d’apprentissage pourrait s’entendre en unités de compte intégrant  un travail amont de l’apprenant sur ses objectifs avec un choix des modalités offertes par objectifs.

Cette démarche permettrait de concilier offre collective et individualisation  en donnant l’occasion à l’apprenant de construire son propre parcours.

Reste aux entreprises de mettre en place un eco système comprenant formation, séminaire, formation ouverte, formation sur le tas, groupe auto géré, autoformation…

Les invariants pédagogiques

Pour conclure, l’apprenance de demain devra, selon P Carré, prendre en compte quelques invariants pédagogiques parmi lesquels :

  • La question de la motivation des apprenants ou de la « valence » représentée de la formation ; cette notion intégrant la probabilité élevée de réussite et de transfert. La motivation se définissant comme ce qui pousse à l’action « rien ne coûte plus cher qu’un stagiaire qui n’apprend pas » selon l’auteur.
  • La proposition de méthodes d’auto formation pour identifier des données nécessaires. Voir à ce sujet les sept pilliers de l’auto formation de P Carré.
  • La nature des environnements mettant les gens en situation d’apprendre au-delà de la seule question des outils mis en place.

 

(1) « L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir » P Carré, Ed Dunod, 2005

(2) Bertrand Schwartz – 1973

(3) «L’apprenance : rapport au savoir et société cognitive » – A noter : les vrais « parents » de ce néologisme sont comme le soulignait P Carré H. Bouchet et H Trocmé- Fabre.

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charlot Il y a 8 années

cfg

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Jérémy Rak Il y a 11 années

Les problématiques de formation , surtout en période de crise , nous font réfléchir au moyen le plus efficace pour les personnes d’évoluer vers ceux à quoi elles se destinent. Étant professionnels des métiers de la culture, nous nous interrogeons actuellement sur l’impact de pratiques comme le e-learning dans notre domaine, dans la mesure où ce secteur n’est pas forcément près pour ce genre de pratiques. Une contribution de votre part sur ce sujet nous intéresse. Retrouvez nous sur http://www.culture-ic.com/institut

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djalo Il y a 11 années

Ne sommes nous pas de façon implicite dans le paradigme des grandes entreprises avec des salariés ayant des droits ouverts facilement identifiables et captables ?
quid des 90 autres pour cent salariés à temps partiel, en contrat aidé, en PME, etc. ?
quid aussi des cadres de financements toujours aussi frileux quant aux autre manières de se former que le face à face ?

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Mathilde M Il y a 11 années

Merci Eric pour cet article!
J’adhère complètement au changement de positionnnement de l’apprenant acteur vers l’apprenant auteur. Cependant, l’apprenant sera auteur de sa formation dès lors que le système entier lui permettra d’exercer sa responsabilité de se former. En conséquence, ce changement pose la question du rôle de l’entreprise, du manager, des pairs, du formateur dans l’apprentissage de l’apprenant…

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Laurent Reich Il y a 11 années

Merci pour cet article très éclairant, je trouve que le sujet du « self-learning » n’a jamais été autant d’actualité avec l’explosion de l’accessibilité aux contenus online (TED, les MOOC, les réseaux sociaux d’entreprise type Yammer …). Le rôle de la formation est bien de construire les conditions pour que le collaborateur puisse construire son apprentissage.

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