Êtes-vous un formateur connectiviste ?

Par le 21 janvier 2013

Comment en prendre compte les changements induits par les technologies de l’information et de la communication électronique (TICE) dans l’acte d’apprendre – et dans celui de former ? Le statut du savoir lui-même n’est il pas modifié ? Telles sont certaines des questions auxquelles le connectivisme ambitionne de répondre.

Le connectivisme, une théorie de l’apprentissage pour l’ère numérique

Georges Siemens et Stephen Downes sont les deux principaux théoriciens du connectivisme. Les principes fondamentaux en sont les suivants :

  • L’apprentissage se produit au travers de connections dans des réseaux : ces réseaux établissent des liens entre des « noeuds », qui sont des sources d’information.
  • Le but de l’apprentissage doit être d’obtenir en permanence du savoir à  jour.
  • Les connections qui nous permettent d’apprendre en permanence sont plus importantes que la somme des connaissances dont nous disposons à l’instant « t ».
  • La décision – qui repose sur la sélection d’information- est partie prenante du processus d’apprentissage.
  • Elle repose sur des fondements qui sont éphémères – le savoir est en perpétuel évolution, sa durée de vie s’est considérablement raccourcie.
  • L’apprentissage advient dans un environnement nébuleux, dont les éléments sont constamment en mouvement – il n’est pas toujours sous le contrôle de l’individu
  • L’apprentissage  peut ne pas résider dans l’humain, mais dans une  base de données.
  • Les capacités les plus importantes sont :
    •  de savoir distinguer les informations importantes de celles qui le sont moins
    • de reconnaître la nouvelle information qui vient invalider le cadre de références dans lequel les décisions était prises précédemment
    • de soigner et de maintenir les connections dans les réseaux
  • Cette théorie, d’après Georges Siemens lui-même, fait appel aux théories du chaos, des réseaux, de la complexité et de l’auto-organisation. Voir à ce sujet les expériences de Sugata Mitra sur l’auto-organisation d’enfants défavorisés, qui apprennent en autonomie absolue la manipulation de l’ordinateur.

Une théorie qui fait ressortir une nouvelle conception du savoir, et une nouvelle approche de l’acte d’apprendre

Le savoir n’est plus, dans cet approche, « localisable », on ne peut pas le trouver à un endroit précis (dans un manuel, par exemple). Il est, selon l’expression de Siemens et Dowes, « distribué » dans les réseaux.

Quelles applications pratiques pour la formation ?

L’application directement initiée par Siemens et Dowes est celle des « Massive Online Open Courses » (Cours à large audience ouverts et en ligne), que Patrick Galiano évoque dans son billet précédent sur ce blog.

En reprenant quelques points clés de la vidéo mise en ligne par Patrick, on trouve en quoi les MOCC incarnent la théorie connectiviste :

  • C’est un cours, avec un facilitateur, des ressources, un début et une fin, des participants
  • C’est ouvert, généralement gratuit (même si l’inscription dans l’institution qui y donne accès peut être payante). Et les participants sont partie prenante de l’élaboration du cours. Leurs travaux sont accessibles, partagés : chaque participant crée du savoir à partir du matériau fournit et des autres ressources qu’il trouve, et les partage. Ainsi se multiplient les « noeuds » de connaissance.
  • C’est en ligne, en réseau. Les apprentissages se produisent au travers des connexions et de la collaboration de chacun.

Lisez par exemple l’introduction au MOOC IYPA (c’est en français!) et les réactions des participants.

Dans un MOOC, il n’y a pas « une façon d’apprendre », une progression pré-établie pour un corpus de savoir et des objectifs pré-définis. Il y a un thème, proposé par quelqu’un qui connaît bien le sujet et propose des ressources et des « livrables » à produire. A partir de là, chaque apprenant explore le net, crée son propre blog, trouve des ressources qu’il affiche sur un site de curation comme Scoop it, tweete, tague des vidéos ou des textes, tout cela repris ou non par d’autres qui explorent le sujet de leur coté…

Le savoir est donc bien distribué dans le réseau ainsi formé. C’est dans  la diversité des opinions, des approches, que réside le savoir.

On est bien loin du behaviorisme, dans lequel le savoir apparaissait comme un objet, mis à disposition par le formateur, qu’il s’agissait de s’approprier « tel quel » : le connectivisme fait de l’apprentissage un acte de création, et pas seulement de consommation.

Que faites-vous si vous êtes un formateur connectiviste ?

  • Vous  incitez vos participants  à créer leurs propres contributions et à les partager, via un forum, un blog, un wiki…
  • Vous éditez des contenus publiés sur internet à propos du thème abordé, sur Scoop it par exemple, et vous incitez vos participants à faire de même.
  • Vous utilisez Tweeter pour partager votre veille, et vos apprenants vous suivent sur Twitter. Vous les encouragez à avoir leur propre compte, et vous les suivez aussi.
  • Vous facilitez l’accès aux sources internet qui leur permettent d’aller au-delà des ressources que vous apportez, et de remonter à la source de vos propres documents.

Behavioriste, constructiviste, connectiviste… faut-il vraiment choisir, ou bien peut on mobiliser chacune de ces théories selon l’objet de l’apprentissage et son contexte ? Nous en reparlerons…

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Mathilde Bourdat

Mathilde Bourdat Il y a 11 années

@ Marie-Pierre Prioleau
Il me semble que la démarche est à la fois d’inciter les participants à apprendre à apprendre (en particulier à sélectionner l’information, confronter les points de vue, valider l’information) et à produire du savoir : il ne s’agit pas seulement de collecter des informations, mais de produire des synthèses, de faire des liens transdisciplinaires, de proposer des hypothèses et pistes de recherches nouvelles… Le formateur est là pour réguler, faciliter, rectifier aussi le cas échéant.
Oui, Paris est la capitale de la France, c’est un savoir partagé. Mais que mettons nous, vous, moi, ou un touriste venu de loin, derrière ces mots? Le siège du pouvoir politique, une capitale économique, un centre culturel et historique important ? Sans doute un peu tout cela, mais à des degrés divers. Et si nous participions à un MOOC sur « Paris, capitale de la France », nous irions chercher des ressources différentes, nous proposerions des analyses différentes à partir de cette même entrée.
Ce que pointe le connectivisme, c’est la subjectivité du savoir, et sa co-construction par le croisement de champs disciplinaires et de points de vue différents.

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Marie-Pierre Prioleau Il y a 11 années

Je me pose une question : le risque de cette approche n’est-il pas de mettre sur le même plan des profondeurs de savoir différentes ?
Je m’explique : le facilitateur qui lance le thème (le spécialiste du sujet) invite les apprenants à explorer, partager, etc. pour produire des livrables. Qui garantit que la production est vraiment qualitative ?
Ou alors la démarche a-t-elle pour but principal d’inciter les gens à chercher par eux-mêmes c’est-à-dire à « apprendre à apprendre » et non pas de produire du savoir ?
Je vais vous sembler stupide, mais je ne comprends pas la phrase : « Ainsi, écrit Downes, ma connaissance de “Paris est la capitale de la France” n’est pas la connaissance de “Paris est la capitale de la France” d’une autre personne. » Ce qui n’est pas semblable, c’est le sentiment ressenti à l’évocation de Paris mais la connaissance est bien commune : Paris est la capitale de la France (enfin, au moment où j’écris) !
Bref, je patauge ! Merci de m’aider …

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Mathilde Bourdat

Mathilde Bourdat Il y a 11 années

@ Michaël
Merci à vous, fidèle lecteur!
Oui, selon le contexte de la formation, et aussi son objet, nous « piochons » plus ou moins consciemment dans ces différentes théories.
Ainsi, le behaviorisme tendrait du coté du « prescrit », de la « reproduction ». Tandis que le constructivisme serait en jeu dans les pratiques de formation considérant l’apprenant comme un sujet, construisant ses représentations et faisant émerger ses pratiques à partir du vécu en formation, mais aussi de ses expériences et représentations antérieures.
Chacune de ces théories appellent donc une posture du formateur – et une relation à l’apprenant – différentes.
Quand au connectivisme, il me semble que c’est surtout le statut du savoir qu’il interpelle. Celui ci n’est plus considéré comme un objet stable, pérenne, pouvant être contenu dans un livre, un powerpoint, un document participants… Il est éphémère et distribué, éminemment subjectif. Ainsi, écrit Downes, ma connaissance de « Paris est la capitale de la France » n’est pas la connaissance de « Paris est la capitale de la France » d’une autre personne. Le savoir n’est pas enfermé dans les mots. Seule la confrontation des points de vue, la mobilisation de nombreuses ressources, peut nous faire approcher un savoir commun.
Comme vous l’écrivez, voilà qui questionne éminemment nos pratiques…

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Michael Normandin Il y a 11 années

Chère Mathilde,
Chers Tous,

Encore un très bel article qui interroge sur nos pratiques… mais aussi sur celles de nos organisations.
Et comme vous, je conclurai « pourquoi choisir? »
Est ce que la solution, selon les projets, ne serait pas de doser savamment ces approches ?

Très belle journée à vous.
Bien cordialement
Michaël

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