Salariés : quelles motivations pour la formation ?

Par le 14 mai 2012

L’enquête Cegos sur la formation professionnelle fait apparaître, de manière récurrente, un malentendu entre les entreprises et les salariés. La représentation que les DRH et les RF se font des motifs d’engagement des salariés de leur entreprise en formation ne correspond pas à ce que ceux-ci expriment. C’est en comprenant mieux ce qui fait sens pour les salariés lorsqu’ils se forment que les entreprises pourront réussir la mise en œuvre de leur politique formation, et, au-delà, générer une dynamique de développement des compétences.

Motivations à se former : le malentendu

Une fois encore, l’enquête Cegos 2012 sur la formation professionnelle révèle un certains malentendus entre les DRH/ RF (600 personnes interrogés sur 6 pays d’Europe) et les salariés (2800 personnes interrogées sur ces mêmes pays).

Les réponses des salariés à la question « Quelles sont vos principales motivations pour suivre une formation » diffèrent sensiblement de ce qu’en perçoivent les DRH/RF.

Salariés : quelles motivations pour la formation ?

Pour les DRH/RF (en jaune à droite), les trois premières motivations à se former des salariés sont donc :

  1. La possibilité d’obtenir une promotion
  2. L’augmentation des revenus
  3. L’épanouissement personnel et professionnel

Alors, que, vus par les salariés (en bleu à gauche), les trois premières motivations se classent comme suit :

  1. L’épanouissement personnel et professionnel, ex aequo Mieux accomplir le travail
  2. (loin derrière) Améliorer l’employabilité pour mobilité interne
  3. L’augmentation des revenus

A noter qu’il s’agit là des réponses de salariés ayant suivi une formation au cours des trois dernières années. Les réponses des « non formés » sont sensiblement différentes, nous le versons après.

Il y a peu d’écarts entre les salariés formés des différents pays sur les deux premières motivations.

Et le malentendu est le même dans même dans notre pays qu’ailleurs :

Salariés : quelles motivations pour la formation ?

Comme le montre le graphe ci-dessous, es français se distinguent par une motivation liés à la promotion et l’augmentation de salaire plus forte que la moyenne.

Salariés : quelles motivations pour la formation ?

Le graphique ci-dessous analyse les réponses par pays des salariés par rapport à la moyenne (ramenée à 0 sur l’axe).

En rouge, l’Italie : les italiens interrogés sont les moins motivés de tous par les éléments de motivations que nous avons proposés. En beige, les néerlandais, particulièrement motivés par l’épanouissement personnel, l’obtention d’un diplôme, la mobilité…

Des motivations différentes suivants les catégories et l’accès à la formation

C’est surtout l’analyse des réponses par catégorie professionnelle qui est parlante, et qui vient contrecarrer les idées reçues. Les ouvriers employés ont le niveau de motivation le plus élevé sur les items « M’épanouir sur le plan personnel et professionnel », « Mieux accomplir mon travail », « Augmenter mes revenus », « Obtenir un diplôme ». Les techniciens et les agents de maîtrise sont ceux qui se positionnent le plus sur l’employabilité, interne ou externe. Et les cadres sur l’obtention d’une promotion.

Cependant, les motivations des salariés qui n’ont pas suivi de formation au cours des trois dernières années sont sont très différentes :

  1. Obtenir un diplôme est en tête de loin (31%), pour toutes les catégories et surtout pour les ouvriers (33%)
  2. Améliorer mon employabilité pour une mobilité externe (20%) ou interne (17%) vient après

« M’épanouir sur le plan personnel ou professionnel , augmenter mes revenus, n’est en revanche pas une motivation pour plus de la moitié des non formés.

Une grille d’analyse

Si l’on se rattache à la grille d’analyse des motifs d’engagement en formation proposée par Philippe Carré (L’Apprenance, Dunod, P 130 et suivantes), nous pouvons lire ce malendu comme suit :

Salariés : quelles motivations pour la formation ?

  • En jaune : la motivation prégnante du point de vue des DRH
  • En bleu foncé : la motivation prégnante du point de vue des salariés formés
  • En mauve : la motivation prégnante du point de vue des salariés non formés

Cette grille de lecture a déjà été évoquée dans plusieurs billets : sur les motivations des seniors à se former, sur la formation comme facteur de motivation des salariés, sur la motivation des salariés « seniors » à apprendre, sur la génération Y et la formation. Je n’en reprends donc pas l’explication exhaustive ici.

Simplement, la simplification ci-dessus permet de relever que les DRH/ RF considèrent avant tout que la motivation des salariés est extérieure à la formation elle-même et moins liée à l’acquisition de savoirs qu’à l’anticipation de résultats économiques liés à l’inscription à la formation.

Reprenons la définition que Carré donne du motif « économique » : « les raisons de la participation sont ici d’ordre explicitement matériel : le fait de participer à la formation apportera des avantages de type économique ».

Or les salariés formés, dans leur réponse à l’enquête, font passer avant tout un motif opératoire professionnel : « il s’agit ici d’acquérir les compétences (…) nécessaires à la réalisation d’activités spécifiques (au travail) (…) ». Le contenu de la formation a donc toute son importance. Et la réponse « épanouissement professionnel et personnel » peut recouvrir à la fois des motivations pour des objectifs extérieurs à la formation elle-même (opératoire personnel, vocationnel*, identitaire**) ou pour le fait même d’être en formation : le plaisir d’apprendre (motif épistémique), d’échanger et de partager (socio affectif), d’être « dans une bonne ambiance » (hédonique).

On peut faire l’hypothèse, d’après leurs réponses, que les motivations des salariés non formés sont plus proche du motif vocationnel* : « acquérir les compétences et/ou la reconnaissance symbolique nécessaire à (…) la préservation, l’évolution ou la transformation de son emploi.

Il y a donc bien un malentendu entre les DRH/RF et les salariés. Et ce malentendu est très gênant, surtout pour construire une offre de formation qui fasse sens pour les ouvriers et employés.

Trouver un « effet levier » dans les motifs d’engagement en formation

Il est au contraire possible de s’appuyer sur cette grille de lecture pour enclencher une dynamique de développement des compétences, en s’appuyant sur les motifs d’engagement en formation.

Ainsi, l’offre de parcours de formation qualifiants, comme celle de la Société Vinci Park (voir un billet précédent), peut nourrir les motivations d’ordre vocationnel (voir plus haut) et identitaire, en plus de répondre à un besoin opératoire : cette offre répond donc bien aux motifs d’engagement des personnes dont on prétend habituellement qu’elles sont « peu motivées » pour se former.

Les raisons de se former sont rarement univoques. Et, pour créer une dynamique de développement des compétences, tous les leviers sont bons à prendre. C’est dans la qualité de l’écoute de ce qui fait sens, dans l’absence de préjugés aussi, que se trouvent les fondements d’une offre de formation qui articule les besoins de l’entreprise et les aspirations des salariés.

** Motif identitaire : « acquérir des compétences et/ou la reconnaissance symbolique nécessaire à une transformation –ou une préservation- de ses caractéristiques identitaires –professionnelles, sociales (…- à travers le maintien ou la transformation du statut social (…), de la fonction, du niveau de qualification (…)

 

Pour aller plus loin

Formation : Former avec talent

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sbai khyria Il y a 7 années

merci pou cette étude c très intéressante

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    Mathilde Bourdat

    Mathilde Bourdat Il y a 7 années

    @sbai khyria Merci à vous pour ce retour très encourageant !

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jean cartier Il y a 10 années

merci…………………………….

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marie leclerc Il y a 10 années

Bonne continuation merci

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bouhedli Il y a 10 années

Excellent article merci

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Pauline Il y a 10 années

Merci pour ce comparatif intéréssant. Effectivement il semble bien qu’entre DRH et salariés il y ai un fossé. Dans tous les cas, que cela soit pour le salarié lui meme ou pour son entreprise, envisager ou faire une formation est bénéfique. Cela permet au salarié de s’améliorer, de s’épanouir et à l’entreprise de faire le plein de nouvelles compétences.

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Etudiante en Licence professionnelle de GRH en apprentissage Il y a 12 années

En tant qu’apprentie Ressources Humaines et travaillant en tant qu’assistante Développement RH dans un grand groupe de commerce et de distribution, je trouve cette enquête très intéressante. C’est exactement cette problématique que j’ai pointé dans mon groupe et que j’ai voulu étudier dans d’autres entreprises dans le cadre de mes études. En effet, les DRH ont souvent l’impression de savoir quels sont les besoins et les attentes de leurs salariés. Mais cette impression est parfois floue car ils sont soit tout d’abord trop préoccupés par les besoins de l’entreprise et déterminent donc les besoins des salariés en fonction de ces premières, soit ils confondent besoins et attentes des salariés. On peut aussi se dire qu’ils ne veulent pas risquer de mettre en oeuvre des dispositifs de la formation professionnelle continue au profit des salariés ( DIF ou formations de développement des compétences par exemple) ne voyant pas quel retour sur investissement il pourrait y avoir en finançant ou en encourageant ce type de formations. On devrait donc plus communiquer sur les enjeux pour les entreprises de ces formations (motivation du salarié, nouvelles compétences au profit de l’entreprise, assurance et confiance en soi du salarié,…). Par conséquent, les DRH seraient moins réfractaires à la communication et l’information de ce type de formations aux salariés. On ne se rend peut-être pas bien compte mais il y’a des entreprises où les salariés de certaines catégories professionnelles (employés et ouvriers par exemple) ne sont pas au courant de tous les dispositifs de formations mis en place pour eux.

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Séjour linguistique Il y a 12 années

Très intéressante cette étude et les conclusions qu’on peut tirer. Il semble que les salariés sont plus idéalistes que les DHR en pensent. Au-delà des motivations pécuniaires, tout le monde veut un épanouissement personnel et professionnel, être plus apprécié, avoir du succès dans l’entreprise.

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EMS Conseil Il y a 12 années

Cette étude est très intéressante, et montre bien l’incompréhension générale entre ce qu’attendent les salariés de la formation professionnelle et les DRH qui ne les écoutent malheureusement pas assez…. On retrouve aussi cette difficulté lors de projets de migration en entreprise, lorsque les salariés sont clairement favorables à un accompagnement efficace qui leur permette de se former à mieux travailler, et profiter de ce changement interne pour aussi combler certaines lacunes. A contrario, les DRH sont trop souvent réfractaires à un accompagnement, le jugeant inutile car ils pensent bien connaître les attentes des salariés… à tord bien souvent. Un audit des besoins s’avère extrêmement bénéfiques pour proposer la formation la mieux adaptée aux personnes concernées (http://www.ems-conseil.com/audit-des-usages.html).

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Formation GENDD Il y a 12 années

Merci pour cet article. Votre conclusion « c’est dans la qualité de l’écoute de ce qui fait sens, dans l’absence de préjugés aussi, que se trouvent les fondements d’une offre de formation qui articule les besoins de l’entreprise et les aspirations des salariés » est intéressante. Le malentendu entreprises-salariés montre clairement que ces rapports vont être repensés ces prochaines années.

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Françoise Lemaire Il y a 12 années

Merci Mathilde pour ce précieux éclairage.
1- Où trouver le témoignafgeb de Vinci?
2- En complément, si vous me permettez, quelques résultats d’une étude en cours menée dans le cadre d’une thèse dirigée par P. Carré :
– Les scores d’apprenance des CSP2 ( TAM et cadres) ne sont pas significativement supérieurs à ceux des CSP1 ( Ouvriers et Employés) comme on aurait pu s' »y attendre..
– Moins attendu aussi: l’attitude peu favorable à se former des salariés seniors, dont les ¾ sont anciens au poste depuis plus de 10 ans, relève plutôt de l’ancienneté que de l’âge, qui se présente m^me comme un booster de l’apprentissage notamment pour les hommes après 45 ans !
– Enfin, les scores des femmes sont significativement supérieurs à ceux des hommes.
Ces résultats, comme d’autres concernant par exemple les demandeurs de formation , sont obtenus à partir d’un questionnaire de six items récemment mis au point par l’équipe Apprentissage et Formation des Adultes de l’Université Paris Ouest Nanterre-La Défense (Jore, Fenouillet, Carré, Lemaire, Paul, à paraître),

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