L’architecte pédagogique : transformer les idées en réalité

Par le 8 novembre 2010

Nous avons plusieurs fois, Mathilde et moi, évoqué dans ce blog les évolutions que la fonction formation devait suivre. Pour moi, la réelle innovation pédagogique, c’est à dire celle qui sert l’efficacité, se situe au niveau des dispositifs. La créativité, la multimodalité, le nouvel espace temps, sont autant de données qui faut prendre en compte lors de la conception. L’ingénierie pédagogique se complexifie et nous allons probablement assister à l’émergence de nouveau métier à la croisée de ces concepts. Le futur est ouvert à ces nouveaux « architectes pédagogiques ».

Explorons ensemble les nombreux parallèles entre le métier de concepteur et celui d’architecte : 3 phases dans chaque métier : la conception, la phase des études et la direction d’exécution.

(c) Laurent Reich

Phase conception : entre classicisme et tendance

En architecture, c’est la phase d’esquisse qui voit la création générale du bâtiment (forme, disposition, principe constructif). Elle se traduit par des dessins, des modèles informatiques ou des maquettes.

L’architecte pédagogique va donc réaliser le plan du dispositif (learning track ou path en anglais) en fonction des besoins de son client. C’est durant cette phase d’ingénierie de formation qu’il peut faire plus ou moins preuve de créativité en fonction des objectifs assignés à la formation et du champ de contraintes.

C’est une phase d’écoute pour distinguer les attentes réelles du client de ce dont il rêve. Une notion toujours complexe à mesurer est l’innovation pédagogique. Elle est relative à la maturité du client: l’un faisant exclusivement des formations présentielles trouvera déjà ambitieux d’imaginer une visioformation, l’autre qui a déjà monté des programmes avec le sport, la cuisine, les médias pour ses commerciaux se trouvera plus désemparé pour trouver une nouvelle idée devant l’attitude consumériste de ses stagiaires.

La responsabilité de l’architecte est bien d’imaginer la vie du dispositif, son usage,  sa pérennité … Il doit sentir les tendances et les amener à son client au bon moment, ni trop vite, ni trop tard.

L’architecte pédagogique présente son style, ses réalisations à l’aide d’un portfolio de projets.

Phase des études : valider la faisabilité des esquisses

C’est le moment des calculs, les nouvelles modalités (e-learning, serious game, visioformation, tutorat, shadowing, immersion terrain) nécessitent des connaissances techniques. L’architecte pédagogique va valider plusieurs axes :

  • Technique : il est l’interlocuteur de graphistes, de développeurs, de directeurs artistiques, des services informatiques et à ce titre il doit maîtriser un vocabulaire, des processus pour bien valider la faisabilité technique de son projet
  • Financier : le projet ne peut pas simplement être beau sur le papier, il doit être viable économiquement que ce soit dans la phase de développement en maîtrisant les dépenses ou dans l’exploitation en respectant les volumes financiers acceptables.
  • Organisationnel : un dispositif multimodal, par sa différence avec un simple présentiel, sollicite plus les ressources internes (tuteur, expert, …) et bouscule l’organisation (besoin de salles ressources pour faire les modules e-learning, de casques et de pour les séances de visioformation, de bande passante).

Phase direction d’exécution : le maître d’œuvre garantie du résultat

L’objectif de l’architecte pédagogique est de garantir le meilleur projet en adéquation avec les moyens du client, il facilite la mise en relation du client et des prestataires.

L’architecte pédagogique est un interlocuteur de terrain, il veille personnellement à l’avancement des travaux. C’est lui qui va définir le planning, l’enchaînement des tâches et les livrables. Il organise des réunions de pilotage pour entériner des décisions, faire des arbitrages avec le client.

L’objectif est de maitriser les délais et les budgets, de faire face aux aléas techniques sans que cela n’affecte le rendu du projet.

L’architecte pédagogique, de nouvelles compétences…

Au final, cet(te) homme ou femme de l’art, en tant que maître d’œuvre, doit développer des compétences créatives (pour apporter les justes tendances à son client), techniques (pour anticiper toutes les problématiques liées à l’usage de différentes technologies), financières (pour garantir le budget sans dépassement) et de pilotage (pour mener dans les délais le projet).

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Yves Il y a 10 années

Effectivement, l’article est instructif quant aux rôles des personnes engagées dans l’ingénierie de formation. Mais bon, avons-nous besoin de nouveaux termes ? Les formations en ingénierie de formation créent des «ingénieurs» qui remplissent fort bien le rôle des architectes. Le terme «concepteur» est, par ailleurs, il me semble assez répandu. Je ne suis pas certain que la «modernité» du terme «designer» qui plait tant à Maud soit un facteur de définition du concept qu’il faille conserver, et ledit terme «designer» ne recouvre-t-il pas un peu tout et n’importe quoi ?

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Maud Il y a 13 années

Après avoir discuté avec mon frère, il trouve que l’on emploie trop de vocabulaire spécifique, pour ne pas dire jargon, et qu’on en perd la comparaison sur le « sens ». Pour mieux expliquer son profil, il est architechte-paysager…donc c’est un peu la branche « rebelle » des architectes…
J’ai trouvé d’autres prestataires de formation qui emploient ce terme d’architecte, donc je trouve ça intéressant de pousser la comparaison un peu plus loin, voire de préférer le terme de designer, peut-être plus moderne.

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francois Il y a 13 années

Je voudrais vous signaler une initiative en matière de formation et de coaching. Là ou nombre d’intervenants rivalisent d’outils marketing, pour vendre et n’innovent pas vraiment, D’OXYGENE² propose une approche différente de la formation.

Ils ont imaginé mixer l’aspect physique et l’organisationnel dans leurs formations, si ça vous intéresse, j’ai trouvé leur site pas mal fait http://www.doxygene.com
Il parait que cette approche laisse plus de « traces » et permet plus de résultats, en période de restriction budgétaire ça mérite de s’y pencher
Quelqu’un en sait il plus sur ces techniques ?

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Laurent Reich Il y a 13 années

@Maud, Je suis preneur des commentaires et éclairages d’un pro. Je vais dans un autre article pousser la réflexion avec les actions de l’architecte sur l’urbanisme.

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Laurent Reich Il y a 13 années

@Lama, Merci pour votre commentaire, j’aime également beaucoup le terme de designer pédagogique qui est à l’écoute des tendances pour les intégrer à la vie!

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Maud Il y a 13 années

Effectivement comparaison très intéressante! On pourrait pousser encore plus loin et chercher les bonnes pratiques des architectes qui pourraient être appliquées en formation…et là je demande l’intervention de mon frère qui est plutôt côté architecte de nous donner son avis 🙂

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Lama Il y a 13 années

Article très intéressant en ce qu’il met l’accent sur le dispositif comme « centre de gravité » de l’innovation pédagogique alors que cette dernière est trop souvent confondue avec « l’innovation technologique » qui n’en est pourtant qu’une composante au travers des « serious game » et autres outils numériques.
Les Québecquois parlent volontiers de « design pédagogique » pour décrire les phases évoquées ci-dessus.

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